La prévention des maladies courantes chez le chien – telles que la rage, la parvovirose ou la maladie de Carré – fait l’objet d’une documentation abondante, aussi bien auprès des vétérinaires que du grand public. Cependant, certaines zoonoses émergentes ou récemment identifiées, comme la leishmaniose ou l’ehrlichiose, restent peu abordées dans les ressources généralistes, alors même que leur incidence et leur potentiel zoonotique suscitent un intérêt croissant dans la communauté scientifique.
Zoonoses émergentes : de quoi parle-t-on ?
Parmi les maladies émergentes chez le chien, la leishmaniose, transmise principalement par des phlébotomes, et l’ehrlichiose, causée par des bactéries du genre Ehrlichia transmises par les tiques, sont particulièrement notables. Ces pathologies présentent un double enjeu : elles touchent la santé canine, mais impliquent également un risque zoonotique, c’est-à-dire le passage de l’agent pathogène à l’humain.
Régions concernées par l’émergence
Leishmaniose : En France, la leishmaniose sévit principalement dans le sud du pays, notamment dans les régions méditerranéennes telles que la Provence-Alpes-Côte d’Azur, l’Occitanie et la Corse. L’expansion vers le nord a été observée ces dernières années, liée au réchauffement climatique et à l’extension géographique du phlébotome, l’insecte vecteur. À l’échelle européenne, la maladie reste endémique dans le bassin méditerranéen (Espagne, Italie, Portugal, Grèce, etc.).
Ehrlichiose : L’ehrlichiose canine est surtout détectée dans les régions méridionales de la France, comme le Languedoc-Roussillon, la Provence et la Corse, où les tiques vectrices (notamment Rhipicephalus sanguineus) sont abondantes. Toutefois, avec le changement climatique et l’accroissement des déplacements d’animaux, l’ehrlichiose progresse vers des zones auparavant peu touchées, y compris certaines parties du centre et de l’ouest de la France.
Dangers pour le chien
Leishmaniose : Cette maladie peut entraîner chez le chien une altération grave de l’état général, des lésions cutanées, une perte de poids, des troubles rénaux sévères (insuffisance rénale chronique), parfois mortels si le diagnostic et la prise en charge ne sont pas précoces. Elle est souvent chronique et peut nécessiter un traitement à vie.
Ehrlichiose : L’ehrlichiose canine provoque de la fièvre, une léthargie, une perte d’appétit, des saignements (épistaxis, pétéchies), une anémie, ainsi que des atteintes articulaires ou neurologiques. Non traitée, elle peut évoluer vers une forme chronique et entraîner des complications graves, voire le décès de l’animal.
Dangers pour l’humain
Leishmaniose : L’humain peut contracter la leishmaniose, principalement sous forme cutanée (lésions ulcéreuses sur la peau) ou viscérale (atteinte des organes internes, potentiellement mortelle sans traitement). La transmission se fait via la piqûre du phlébotome, un insecte vecteur, mais le chien infecté constitue un important réservoir de parasites.
Ehrlichiose : Certaines espèces d’Ehrlichia peuvent infecter l’humain (ehrlichiose humaine monocytique), provoquant de la fièvre, des douleurs musculaires, des troubles hématologiques et, dans de rares cas, des formes sévères, surtout chez les personnes immunodéprimées. La transmission se fait par morsure de tique, et la présence de chiens infectés augmente le risque environnemental dans certaines régions.
L’humain doit-il s’en inquiéter ?
Oui, même si la fréquence des transmissions directes du chien à l’humain reste relativement faible, ces maladies représentent un risque de santé publique reconnu, en particulier dans les zones endémiques ou lors de voyages dans des régions à risque. Pour la leishmaniose, le danger principal réside dans le fait que le chien sert de réservoir au parasite : ainsi, la présence de chiens infectés favorise la circulation du pathogène dans l’environnement, augmentant la probabilité de piqûres infectantes par les phlébotomes pour l’humain.
Pour l’ehrlichiose, bien que l’humain contracte surtout la maladie via les tiques et non directement par contact avec le chien, la proximité avec des animaux porteurs dans des régions infestées accroît l’exposition aux tiques et donc au risque.
La vigilance est donc recommandée, particulièrement pour les personnes immunodéprimées, les enfants, ou les personnes vivant ou voyageant dans des zones à risque. Les mesures de prévention contre les piqûres de tiques ou de phlébotomes, la surveillance vétérinaire des chiens, et l’information du public restent essentielles afin de limiter les risques de transmission et leurs conséquences sur la santé humaine.
Visibilité dans les ressources destinées au grand public
Malgré leur importance, la leishmaniose et l’ehrlichiose restent relativement peu mises en avant dans les manuels, brochures ou sites d’information grand public en France. La plupart des ressources s’adressent en priorité aux vétérinaires, chercheurs ou professionnels de santé animale. Le grand public dispose donc de peu d’outils vulgarisés pour reconnaître, prévenir ou comprendre ces maladies.
Études scientifiques françaises
La communauté scientifique française s’est penchée sur ces enjeux dès le début des années 2000, et plusieurs études majeures permettent de mieux appréhender la situation épidémiologique et les risques pour la santé publique.
Leishmaniose canine :
“Épidémiologie de la leishmaniose canine en France” - P. Bourdoiseau et al., Revue de Médecine Vétérinaire, 2005.
“La leishmaniose canine en France métropolitaine : situation actuelle et perspectives” - R. Marty et al., Bulletin de l’Académie Vétérinaire de France, 2009.
Ehrlichiose canine :
“Émergence de l’ehrlichiose à Ehrlichia canis chez le chien en France” - O. Chomel et al., Revue Scientifique et Technique OIE, 2000.
“Épidémiologie des infections à Ehrlichia chez le chien en France” - C. André et al., Pratique Médicale et Chirurgicale de l’Animal de Compagnie, 2005.
Autres études et rapports de synthèse :
“Les maladies vectorielles émergentes du chien en France” - M. L’Hostis et al., Bulletin épidémiologique, santé animale et alimentation, 2015.
Conclusion
Les zoonoses émergentes telles que la leishmaniose et l’ehrlichiose représentent un enjeu de santé publique croissant, tant pour l’animal que pour l’humain. Si la littérature scientifique française est riche et propose des analyses épidémiologiques et des recommandations, force est de constater que l’accès à une information claire et vulgarisée pour le grand public reste limité. L’enjeu pour les années à venir sera d’améliorer la sensibilisation et la diffusion des connaissances sur ces maladies, afin d’optimiser les stratégies de prévention et de contrôle, tant pour la santé animale que pour la santé humaine.
Filippo Naso – Éducateur Canin - Méthode Zen Éducation Positive
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