Les chiots, tout comme les humains, développent un langage complexe dès leurs premiers jours de vie. Bien avant d’atteindre l’âge adulte, ils sont capables d’échanger de multiples informations avec leur fratrie, leur mère et leur environnement immédiat, utilisant un éventail de signaux vocaux, corporels et olfactifs. Comprendre comment ces petits êtres s’expriment entre eux, c’est plonger dans l’univers fascinant de la socialisation canine.
Le rôle fondamental de la communication chez les chiots
La communication est essentielle à la survie et au bien-être des chiots. Dès la naissance, ceux-ci se retrouvent dans une fratrie où leurs interactions contribuent à structurer leur relation au monde. La période qui s’étend de la naissance à la fin de la socialisation primaire, vers 12 semaines, est cruciale : elle façonne leurs futures aptitudes sociales et leur comportement adulte.
Les premiers signaux : la communication tactile et olfactive
À la naissance, les chiots sont aveugles et sourds. Leur premier langage passe par le toucher et l’odorat. Ils utilisent leur truffe pour se repérer, retrouver la chaleur maternelle ou rejoindre un frère. Les chiots se blottissent les uns contre les autres : ce contact physique rassure, régule la température corporelle et favorise les liens affectifs.
L’odeur joue aussi un rôle capital. Les chiots reconnaissent leur mère et leurs congénères grâce à leur odeur unique. Ils apprennent ainsi à distinguer qui appartient ou non au groupe, ce qui permet une cohésion précoce.
La voix des chiots : premiers aboiements, jappements et gémissements
Dès la deuxième semaine, les capacités auditives et vocales émergent. Les chiots commencent alors à émettre des sons variés : petits cris pour signaler la faim ou l’inconfort, gémissements pour appeler la mère, jappements d’excitation ou de surprise lors des premiers jeux.
La richesse de leur répertoire vocal s’affine avec l’âge :
Le gémissement traduit un besoin : faim, froid, sollicitation d’attention.
Le jappement peut exprimer la joie, l’invitation au jeu ou l’excitation.
Le grognement, très doux chez les chiots, apparaît souvent lors des jeux de bagarre pour signifier des limites.
Les chiots expérimentent ces sons et apprennent, par imitation et retour de leurs semblables, lesquels sont adaptés à chaque situation.
Le langage corporel : postures et mimiques
La communication non verbale est centrale chez les chiots. Très tôt, ils utilisent les mouvements de leur corps pour transmettre des émotions ou des intentions :
Le jeu est annoncé par une posture caractéristique : antérieurs fléchis, postérieurs relevés, queue qui remue. Ce signal, appelé « play bow » ou salut de jeu, invite l’autre à entrer dans l’action sans agressivité.
Les léchages de museau, souvent observés lors des interactions, apaisent un congénère ou marquent la soumission.
Les oreilles, la queue et la posture générale expriment la confiance, la peur ou l’envie de poursuivre l’échange.
Les chiots apprennent grâce à la répétition et à la réponse de leurs partenaires ce qui constitue un comportement approprié ou non.
La morsure contrôlée : apprentissage des limites
Entre la 3e et la 8e semaine, le jeu mordillé devient central dans la communication. Les chiots se mordillent entre eux : ce comportement, loin d’être agressif, leur permet d’apprendre la force de leur mâchoire. Si un chiot mord trop fort, le compagnon crie ou s’éloigne, ce qui lui enseigne la « morsure inhibée », essentielle pour vivre en groupe.
Cette phase d’expérimentation joue un rôle fondamental dans la prévention des comportements agressifs futurs.
L’importance du jeu dans la socialisation
Le jeu n’est pas qu’un simple divertissement : il est au cœur de l’apprentissage social. À travers des poursuites, des roulades, des simulations de combat, les chiots apprennent à tester leurs capacités physiques, à négocier des règles implicites et à créer des alliances temporaires. Ces interactions répétées favorisent une hiérarchie souple et permettent l’intégration harmonieuse dans la meute.
Les signaux olfactifs et phéromonaux
Les chiots, même jeunes, utilisent des signaux chimiques pour communiquer. Les phéromones maternelles apaisent la portée. Entre frères et sœurs, ils échangent des odeurs par léchages et frottements, marquant ainsi leur appartenance et leur rang.
Avec la croissance, la palette olfactive et les messages phéromonaux s’enrichissent, préparant les chiots à la communication adulte, plus complexe.
Les apprentissages auprès de la mère et des congénères
La mère joue un rôle de modèle et de médiatrice. Elle régule les échanges, corrige les débordements et initie les chiots aux codes sociaux. Les interactions avec les frères et sœurs leur permettent de tester leurs capacités, de faire l’expérience des frustrations et de l’entraide.
La socialisation avec d’autres chiens adultes ou chiots d’autres portées complète ces apprentissages, ouvrant le chiot à une diversité de signaux et de réactions.
L’avis des scientifiques français
Les scientifiques français, tels que les éthologistes de l’INRAE et de l’École vétérinaire de Maisons-Alfort, insistent sur l’importance capitale de la période de socialisation du chiot, souvent qualifiée de « fenêtre de plasticité comportementale ». Selon leurs travaux, une exposition précoce à une variété de stimulations, d’odeurs, de sons et d’interactions avec d’autres chiens et des humains favorise le développement d’un chien équilibré. Le professeur Patrick Pageat, pionnier français de la recherche sur les phéromones, rappelle que les échanges olfactifs sont fondamentaux non seulement pour reconnaître les membres du groupe mais aussi pour rassurer et structurer la hiérarchie sociale dès les premières semaines de vie.
Des études françaises soulignent également le rôle de la mère dans la transmission des comportements et la nécessité de ne pas séparer trop tôt les chiots de leur portée afin de permettre un apprentissage social complet. Enfin, les chercheurs encouragent les éleveur.es et les adoptant.es à poursuivre une socialisation progressive et positive jusqu’à la fin de la croissance, pour prévenir l’apparition de troubles du comportement à l’âge adulte.
L’impact de la socialisation précoce sur le comportement futur
Un chiot qui a pu expérimenter un vaste éventail d’interactions positives sera plus équilibré et adaptable une fois adulte. Les carences en stimulation sociale, à l’inverse, peuvent générer des comportements craintifs ou inadaptés face à l’inconnu.
C’est pourquoi l’éleveur.e ou la personne responsable du chiot doit veiller à multiplier les occasions de rencontres et de jeux, tout en assurant un encadrement rassurant.
Conclusion en tant qu'éducateur canin
Comprendre les signaux de communication de son chiot, c’est entrer dans son monde et lui offrir les clés d’un bon équilibre émotionnel et social. Mais cette compréhension ne peut pleinement s’épanouir sans une socialisation précoce et bien menée.
La période entre 3 et 12 semaines est cruciale : c’est là que le chiot apprend à interagir avec ses congénères, les humains, et à découvrir le monde sans crainte. Une socialisation réussie permet de prévenir de nombreux troubles du comportement à l’âge adulte, comme l’agressivité, la peur excessive ou l’hyper-attachement.
Heureusement, certains éleveurs font un travail remarquable en exposant les chiots à divers stimuli dès les premières semaines : bruits, textures, manipulations douces, interactions avec différents humains et animaux. Ces professionnels posent les bases d’un chiot bien dans ses pattes, prêt à s’adapter à son futur environnement.
Mais le rôle de l’éducateur et du maître prend le relais dès l’arrivée à la maison. Il ne s’agit pas seulement de dresser, mais de nourrir une relation de confiance, de respecter les besoins émotionnels du chiot, et de l’accompagner dans sa découverte du monde avec bienveillance et cohérence.
Un chiot bien socialisé, c’est un adulte serein. Et un humain qui comprend son chiot, c’est une relation qui dure toute une vie
Bibliographie et scientifiques cités
Patrick Pageat – Professeur vétérinaire, spécialiste du comportement animal, auteur de « Les émotions des animaux », éditions Odile Jacob.
INRAE (Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement) – Recherches sur l’éthologie et la socialisation du chiot.
École nationale vétérinaire d’Alfort (EnvA) – Études sur le développement comportemental du chien.
Bougrat, L., & Pageat, P. (2015). « La période de socialisation chez le chiot : importance et modalités. » Revue Vétérinaire Clinique, 50(2), 85-92.
Grandjean, D., & Dehasse, J. (2000). « Comportement du chien », Éditions du Point Vétérinaire.
Mondain-Monval, M. (2020). « L’éducation du chiot : fondements éthologiques et approches pratiques. » Éditions France Agricole.
Filippo Naso – Éducateur Canin - Méthode Zen Éducation Positive
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