En tant qu’éducateur canin, il me paraît essentiel de souligner qu’une cohésion d’équipe au sein du foyer est un pilier fondamental pour l’éducation réussie du chien. Dès lors qu’un chien partage son quotidien avec une famille humaine, chaque membre joue un rôle structurant dans la transmission des règles, des attentes et du cadre de vie. Sans cette unité, l’animal reçoit des signaux contradictoires, ce qui peut engendrer incompréhension, confusion et, parfois, des troubles du comportement.
L’importance détaillée de la cohérence des messages dans la famille humaine
Les chiens sont des animaux intelligents, sensibles aux nuances de notre langage verbal, gestuel, et émotionnel. Ils apprennent par l’observation, l’habituation et l’association répétée entre un mot, un geste et la conséquence qui s’en suit. Ainsi, la cohérence des messages délivrés par tous les membres du foyer contribue à la stabilité émotionnelle et comportementale de l’animal.
Si une personne autorise le chien à monter sur le canapé tandis qu’une autre le lui interdit, le chien ne saura plus quelle conduite adopter pour satisfaire ses humains. Cette ambiguïté génère du stress, ralentit l’apprentissage, et complexifie la relation humain-chien.
Exemples concrets d’incohérence dans l’éducation du chien
Un membre de la famille dit « Viens ici » pour appeler le chien, un autre dit « Ici » et un troisième siffle : le chien ne sait pas quel signal suivre.
Le matin, la personne A autorise le chien à quémander à table, le midi la personne B l’ignore et le soir la personne C le gronde : confusion sur ce qui est permis à table.
Certains promènent le chien en laisse courte, d’autres en longe ou sans laisse, la règle change à chaque sortie.
À la porte, une personne demande « Assis » pour sortir, une autre laisse sortir le chien sans attente.
Pour le rappel, certains offrent une friandise, d’autres un jouet, d’autres rien : la motivation du chien varie, son retour devient aléatoire.
Le mot « Non » est utilisé parfois pour interdire de sauter, parfois pour interdire de mordiller, parfois juste pour dire stop : le chien associe mal le mot à une action claire.
Un membre félicite le chien pour être monté dans la voiture, un autre le gronde parce qu’il salit la banquette : le chien ne comprend pas si la voiture est un lieu de joie ou d’interdiction.
Le chien est invité sur le lit avec une couverture spécifique par un, et rejeté par un autre car la couverture n’a pas été mise.
Pour la promenade, la consigne est parfois « Au pied » parfois « Laisse-moi tranquille », parfois rien du tout.
Le chien reçoit des ordres différents pour obtenir la même chose : « Va au panier », « File là-bas », « Place ».
Le rappel est fait sur différents tons de voix, ce qui perturbe l’association sonore.
Certains membres favorisent le jeu de tir à la corde, d’autres l’interdisent catégoriquement.
Au jardin, l’un autorise la fouille, un autre la sanctionne.
Le chien est encouragé par un à saluer les invités, par un autre repoussé vers une autre pièce.
Des membres récompensent le chien le matin, d’autres le punissent pour le même comportement le soir.
Le mot utilisé pour demander la propreté change : « Fais pipi », « Va dehors », « Besoin ».
Un interdit de monter dans la voiture, un autre l’y invite.
Le chien reçoit l'autorisation de monter sur le canapé le week-end seulement, mais ne comprend pas la notion de jours.
Certains encouragent le chien à rapporter la balle, d’autres à laisser l’objet en place.
À la plage, un dit « On nage », l’autre interdit l’eau, générant un conflit de consigne.
Le chien est repoussé quand il saute sur un invité, encouragé par un autre membre pour le même geste.
Certains membres tolèrent les aboiements, d’autres grondent systématiquement.
Pour monter l’escalier, la règle varie selon la personne présente.
Le chien a le droit de dormir dans la chambre avec un membre, mais pas avec l’autre.
Les comportements attendus lors de la visite chez le vétérinaire diffèrent selon qui l’accompagne.
Le chien est félicité d’un côté d’avoir averti de l’arrivée du facteur, grondé de l’autre.
Pour la nourriture, la quantité et le mode de distribution changent selon l’horaire et la personne.
Certains s’expriment en français, d’autres en anglais ou en mélangeant les langues pour donner des ordres.
Des membres de la famille autorisent le chien à mendier, d'autres sont intransigeants sur la règle.
Un membre de la famille laisse le chien entrer dans toutes les pièces, un autre ferme systématiquement certaines portes.
Le chien reçoit parfois les mêmes signaux pour des attentes différentes, par exemple le mot « Stop » pour arrêter de courir ou arrêter de mâcher.
Pour la voiture, la façon de monter, le siège autorisé et le moment de descendre différent à chaque trajet.
La sanction pour une bêtise varie selon l’humeur du membre présent.
Les séances d’éducation sont régulières avec un membre, absentes avec un autre.
Le chien a le droit de jouer avec certains jouets selon la personne présente.
La façon de réagir à une peur (tonnerre, feu d’artifice) diffère radicalement : réconfort d’un côté, ignorance ou réprimande de l’autre.
Certains interagissent en criant, d’autres en douceur, l’animal ne sait pas à qui se fier.
Pour aller dans le jardin, le signal change selon chacun.
Le chien peut recevoir un ordre pour s’asseoir en même temps qu’un autre membre lui demande de venir.
Les règles sur le passage de la porte changent selon l’urgence ou la personne qui sort.
Certains membres utilisent des récompenses alimentaires, d’autres des caresses, d’autres rien, d’autres une voix ferme.
Le chien reçoit à la fois l’ordre de « pas bouger » et l’invitation à venir manger.
Pour la douche, le chien peut entrer dans la salle de bain avec certains, avec d’autres cela est interdit.
Un membre laisse le chien jouer avec d’autres chiens, un autre refuse toute interaction extérieure.
Le mot de rappel varie : « Ici », « Viens », « Allez » selon la personne.
La façon de réagir à une bêtise change du tout au tout : parfois sanction, parfois aucune réaction, selon l’humeur du moment.
Les règles sur les heures de promenade changent sans prévenir, le chien n’a pas de repère stable.
Avis des scientifiques français sur la cohésion familiale de l’éducation du chien
Des études menées par des éthologues et des spécialistes du comportement animal français, comme Florence Gaunet (CNRS Marseille) ou Joël Dehasse (vétérinaire comportementaliste), insistent sur l’importance d’une cohérence éducative entre tous les membres du foyer. Ces chercheurs affirment que la stabilité des signaux et la prévisibilité du cadre permettent au chien de s’adapter harmonieusement à l’environnement familial. D’après le Professeur Patrick Pageat (INRA), tout signal contradictoire dans l'apprentissage retarde la mémorisation et perturbe l’acquisition des comportements attendus. La littérature scientifique française s’accorde donc à recommander une charte familiale d’éducation canine, simple, claire et partagée par tous, afin de protéger le bien-être de l’animal et d’instaurer une relation de confiance entre humains et chien.
Conclusion en tant qu'éducateur canin
Trop souvent, lors de mes rendez-vous chez la clientèle, je constate une incohérence frappante dans les mots, gestes et règles utilisés par les membres de la famille. Face à cette mosaïque de signaux, le chien, désorienté, ne sait plus sur quelle patte danser. Cette absence d’unité ralentit l’apprentissage et peut même engendrer des comportements problématiques, alors qu’une cohésion familiale dans la communication favorise, au contraire, un chien serein, stable et épanoui.
Bibliographie française sur l’éducation canine
Dehasse, J. (2010). Mon chien est heureux : Manuel de psychologie canine. Éditions Odile Jacob.
Gaunet, F. (2017). Le chien, un animal de compagnie pas comme les autres. Éditions Quae.
Pageat, P. (2008). Traité du comportement du chien. Éditions du Point Vétérinaire.
Servais, V. (2015). Comprendre et éduquer son chien. Éditions Larousse.
Grandjean, D. (2012). L’éducation canine en méthodes positives. Éditions Ulmer.
Scientifiques cités
Florence Gaunet, Directrice de recherche, CNRS Marseille
Joël Dehasse, Vétérinaire comportementaliste
Patrick Pageat, Directeur de recherche, INRA
Filippo Naso – Éducateur Canin - Méthode Zen - Éducation Positive et Bienveillante
Contact : 06 74 79 19 78