Introduction
L’équilibre hormonal est fondamental au bon développement et à la santé globale du chien. Parmi les perturbations endocriniennes qui peuvent toucher cette espèce, l’hyper androgénie, bien que rare, suscite un intérêt particulier en raison de ses multiples répercussions sur la physiologie, le comportement et le bien-être de l’animal. Ce trouble, encore mal compris du grand public, mérite que l’on s’y attarde pour améliorer la prise en charge des chiens qui en souffrent et garantir leur qualité de vie.
Qu’est-ce que l’hyperandrogénie chez le chien ?
L’hyper androgénie désigne un excès d’androgènes, c’est-à-dire d’hormones sexuelles mâles, dans l’organisme du chien. Les androgènes principaux, dont la testostérone, sont responsables du développement des caractères sexuels secondaires chez le mâle, mais ils existent aussi en quantité moindre chez la femelle. L’hyper androgénie se manifeste donc par une production ou une présence anormalement élevée de ces hormones dans l’organisme.
Plusieurs causes peuvent expliquer cette hyperandrogénie :
Hyperplasie ou tumeur des glandes surrénales : les glandes surrénales peuvent produire un excès d’androgènes en cas de pathologie, notamment de tumeur.
Tumeurs testiculaires : chez le mâle, certains types de tumeurs testiculaires provoquent une sécrétion excessive de testostérone.
Troubles hormonaux d’origine génétique : des anomalies génétiques peuvent conduire à une production accrue d’androgènes.
Administration exogène d’androgènes : certains traitements médicamenteux peuvent entraîner un excès d’hormones mâles dans l’organisme.
L’hyper androgénie peut concerner aussi bien les chiens mâles que femelles, bien que les symptômes diffèrent selon le sexe de l’animal.
Conséquences de l’hyperandrogénie chez le chien
L’excès d’androgènes n’est pas anodin pour la santé et le comportement du chien. Les répercussions dépendent de l’âge, du sexe, de la durée et de l’intensité du déséquilibre hormonal.
Conséquences physiques
Développement exagéré des caractères sexuels secondaires : chez le mâle, cela peut se traduire par une augmentation du volume du gland, un épaississement de la peau, une croissance excessive des poils, voire une modification du timbre de la voix (aboiement plus grave).
Chez la femelle : apparition de caractères mâles tels que la croissance de poils en zone génitale ou sur le dos, épaississement du clitoris, diminution de la capacité de reproduction, troubles du cycle œstral.
Troubles cutanés : alopécie (perte de poils localisée ou généralisée), séborrhée, peau grasse ou épaissie, parfois nodules cutanés.
Augmentation de la masse musculaire : croissance musculaire disproportionnée, ce qui modifie l’aspect global de l’animal.
Atrophie testiculaire : paradoxalement, chez le mâle, la surproduction d’androgènes peut perturber la fonction testiculaire et entraîner une diminution de la taille des testicules et de la fertilité.
Conséquences comportementales
Augmentation de l’agressivité : l’excès de testostérone peut rendre le chien plus irritable, dominant, voire agressif envers ses congénères ou les humains.
Hypersexualité : comportements de chevauchement, marquage urinaire, recherche accrue de femelles en chaleur.
Fugue et territorialité exacerbée : le chien peut développer un comportement de fugue pour rechercher un partenaire ou défendre son territoire.
Conséquences sur la santé générale
Risque accru de tumeurs : l’environnement hormonal déséquilibré favorise parfois la survenue de certaines tumeurs.
Fatigue, baisse de vitalité : l’organisme peut s’épuiser à force de compenser ce déséquilibre hormonal.
Situation chez le mâle castré
Chez le mâle castré, la survenue d’une hyperandrogénie est très rare, puisque la principale source hormonale (les testicules) n’est plus active. Cependant, il existe des cas où des taux élevés d’androgènes peuvent encore être observés :
Production surrénalienne : Les glandes surrénales produisent aussi des androgènes, mais en quantité bien moindre que les testicules. Dans certains cas pathologiques, comme une tumeur des glandes surrénales (adénome ou carcinome à cellules corticosurrénaliennes), la sécrétion d’androgènes peut devenir excessive, même après la castration.
Synthèse périphérique : D’autres tissus peuvent convertir des précurseurs hormonaux en androgènes actifs, bien que ce mécanisme ait habituellement un impact limité sur la physiologie générale.
Persistance de tissu testiculaire : Rarement, après une castration chirurgicale incomplète (par exemple, lors de la cryptorchidie non traitée correctement), un tissu testiculaire résiduel peut continuer à sécréter des androgènes.
Médication externe : L’administration d’androgènes exogènes (médicaments, dopage, etc.) peut également entraîner une hyperandrogénie.
Manifestations cliniques
Les symptômes chez un mâle castré vont dépendre de la cause, mais peuvent inclure :
Développement continu ou réapparition des caractères sexuels secondaires
Augmentation de la pilosité
Situation chez la femelle stérilisée
Résidus tissulaires ovariens : Si du tissu ovarien persistant reste dans l’organisme après la chirurgie (syndrome du moignon ovarien), il peut continuer à sécréter des hormones, dont des androgènes.
Tumeurs surrénaliennes : Les glandes surrénales, situées au-dessus des reins, peuvent développer des tumeurs productrices d’androgènes indépendamment des ovaires.
Médicaments ou expositions hormonales : Certains médicaments ou produits contenant des hormones mâles peuvent induire une hyperandrogénie secondaire.
Autres causes endocriniennes : Bien que plus rares, des dysfonctionnements endocriniens complexes peuvent également contribuer à une production excessive d’androgènes.
Signes cliniques possibles
Développement de caractères sexuels secondaires mâles (pilosité anormale, épaississement du cuir chevelu, modifications vocales, augmentation de la masse musculaire, clitoris hypertrophié, etc.)
Comportement plus marqué par l’agressivité ou territorialité
Problèmes cutanés (séborrhée, alopécie, peau grasse)
Solutions et prise en charge
La prise en charge de l’hyper androgénie dépend essentiellement de la cause identifiée, du sexe et de l’état général du chien.
Diagnostic
Avant toute intervention, un diagnostic précis s’impose. Il repose sur :
Un examen clinique approfondi par un vétérinaire : analyse des symptômes physiques et comportementaux.
Des dosages sanguins hormonaux pour mesurer le taux d’androgènes.
Des examens d’imagerie (échographie, scanner) pour rechercher des tumeurs des glandes surrénales ou testiculaires.
Parfois des tests génétiques.
Traitement médical
Chirurgie : ablation des tumeurs surrénaliennes ou testiculaires si elles sont responsables de l’hyper androgénie.
Castration : chez le mâle, la castration est souvent recommandée, surtout si l’origine est testiculaire. Chez la femelle, une ovariectomie peut être indiquée en cas de troubles hormonaux majeurs.
Médicaments anti-androgènes : certaines molécules permettent de réduire la production ou l’action des androgènes (par exemple, le flutamide, la cyprotérone acétate).
Adaptation des traitements médicamenteux : si l’origine est iatrogène (médicamenteuse), il convient de revoir la prescription avec le vétérinaire.
Accompagnement comportemental
Parce que l’hyper androgénie peut engendrer des troubles du comportement, un accompagnement par un éducateur canin ou un comportementaliste vétérinaire est parfois nécessaire. L’objectif est de contrôler l’agressivité, réapprendre certains comportements et sécuriser l’environnement du chien.
Suivi à long terme
Une surveillance fréquente est préconisée pour évaluer l’efficacité du traitement, prévenir les rechutes et ajuster la prise en charge si besoin. Cela passe par des visites vétérinaires, la surveillance des symptômes et, au besoin, des examens complémentaires.
Prévention
Prévenir l’hyper androgénie passe principalement par :
La vigilance lors de la reproduction : éviter la reproduction de chiens porteurs d’anomalies hormonales connues ou héréditaires.
L’utilisation raisonnée des traitements hormonaux : ne jamais administrer d’androgènes sans suivi vétérinaire strict.
Des bilans réguliers, particulièrement chez les animaux âgés ou à risque.
Conclusion
L’hyperandrogénie chez le chien est un trouble hormonal complexe qui impacte à la fois la santé physique, le comportement et la qualité de vie de l’animal. Les conséquences peuvent être sérieuses, allant de simples désagréments cutanés à des troubles du comportement majeurs, voire à l’apparition de tumeurs. Un diagnostic précoce, une prise en charge adaptée et un suivi vétérinaire rigoureux sont les clés d’une bonne évolution. Grâce à l’attention portée à la santé hormonale des chiens et à une information diffusée auprès des propriétaires, il est possible d’améliorer la prévention et la gestion de cette affection, pour garantir aux compagnons à quatre pattes une vie longue et sereine.
Filippo Naso - Éducateur Canin
Contact : 06 74 79 19 78