Les chiens ont fasciné les humains depuis des milliers d’années, non seulement par leur loyauté et leur intelligence, mais aussi par leur comportement souvent mystérieux, notamment pendant le sommeil. Tous ceux qui partagent leur vie avec un compagnon canin ont déjà observé un chien endormi, remuant les pattes, grognant doucement ou même aboyant dans son sommeil. Si l’on sait que les chiens dorment une grande partie de la journée, ce qui se passe réellement derrière leurs paupières closes demeure source de curiosité et de mystère. Quels sont les cycles de sommeil du chien ? Rêvent-ils comme les humains ? Que signifient tous ces mouvements nocturnes et quel est l’impact du sommeil sur leur santé mentale ? Explorons ensemble les mécanismes du sommeil canin et les bienfaits profonds qu’il procure à la psyché de nos fidèles amis, à la lumière des études françaises les plus marquantes.
Le sommeil chez le chien : une nécessité vitale
Les chiens dorment en moyenne entre 12 et 14 heures par jour, mais ce chiffre peut varier grandement selon l’âge, la race, l’état de santé et le niveau d’activité de l’animal. Les chiots, par exemple, peuvent dormir jusqu’à 18-20 heures quotidiennes, alors que les chiens âgés ou malades ont aussi tendance à se reposer davantage. Cette proportion importante de sommeil n’est pas un luxe, mais une nécessité biologique essentielle à leur bien-être physique et mental.
Le sommeil permet la récupération des forces, la consolidation de la mémoire et la régénération des tissus. Il soutient également le système immunitaire et participe à l’équilibre émotionnel du chien, qui, privé de repos, peut devenir irritable, anxieux ou même présenter des troubles du comportement. Des recherches françaises, comme celles menées à l’École nationale vétérinaire d’Alfort (ENVA) depuis les années 1990 par l’équipe du professeur Alain Fontbonne, ont mis en évidence l’importance du sommeil dans la régulation hormonale et la santé comportementale chez le chien domestique.
Les cycles de sommeil chez le chien
De la même façon que chez les humains, le sommeil du chien se compose de différentes phases, réparties selon un cycle bien précis. Chaque cycle dure environ 20 à 30 minutes et se répète tout au long de la période de repos.
Le sommeil lent
Cette première phase, aussi appelée sommeil profond, se caractérise par une diminution progressive de l’activité cérébrale et corporelle. Le chien respire calmement, ses muscles sont détendus et son rythme cardiaque ralentit. Durant cette étape, le corps se régénère et les fonctions vitales sont restaurées. Des travaux réalisés à l’Université de Lyon par l’équipe du Dr Michel Jouvet dans les années 1960 et 1970, pionnière de la recherche sur le sommeil, ont permis d'identifier précisément la distinction entre sommeil lent et sommeil paradoxal chez le chien.
Le sommeil paradoxal (REM)
Après une quinzaine de minutes de sommeil profond, le chien entre dans la phase de sommeil paradoxal, ou REM (“Rapid Eye Movement”). C’est la période durant laquelle l’activité cérébrale s’intensifie, bien que le corps reste presque immobile, à l’exception de mouvements rapides des yeux sous les paupières. C’est dans cette phase que surviennent la majorité des rêves. Le professeur Michel Jouvet, chercheur lyonnais, a d’ailleurs été l’un des premiers à observer, en 1959, ce phénomène de sommeil paradoxal chez le chien et à en démontrer la fonction onirique.
Le cycle alterne ainsi plusieurs fois entre ces deux phases au cours de la nuit ou de la journée, le sommeil des chiens étant souvent fractionné en plusieurs siestes. En 2006, une étude française dirigée par le Dr Sylvie Chabaud et publiée dans la revue "Sleep" a confirmé que près de 80 % des mouvements oculaires rapides observés chez le chien correspondent à des épisodes de rêves actifs.
Les rêves chez le chien : une réalité scientifique
L’idée que les chiens rêvent n’est plus seulement une supposition. Des études menées sur le cerveau des mammifères, notamment par des chercheurs comme Matthew Wilson et Kenway Louie du MIT, mais aussi en France par le professeur Michel Jouvet, ont démontré que, lors du sommeil paradoxal, les chiens présentent des ondes cérébrales très similaires à celles observées chez l’humain pendant les rêves. Ces observations, rendues publiques dès 1962 dans les laboratoires de Lyon, suggèrent que les chiens ne se contentent pas de dormir : ils rêvent activement.
Mais que rêvent-ils ? Bien que nous ne puissions pas interroger directement un chien sur le contenu de ses songes, l’hypothèse la plus probable, étayée par des expériences françaises menées par Jouvet et, plus récemment, par la vétérinaire comportementaliste Muriel Marion (Université de Nantes, 2019), est que leurs rêves récapitulent des fragments de leur vie quotidienne : une promenade, une course-poursuite, un jeu de balle, voire un souvenir marquant ou un apprentissage récent.
Les mouvements pendant le sommeil du chien : signes de rêves actifs
Qui n’a jamais observé son chien remuer les pattes, trembler, grogner ou même aboyer doucement en dormant ? Ces manifestations physiques sont particulièrement fréquentes pendant le sommeil paradoxal. Elles reflètent l’activité cérébrale intense et la mise en scène, dans le rêve, de scènes vécues ou imaginées par l’animal.
Il ne s’agit pas d’épilepsie ni d’un trouble du sommeil, mais bien d’une part normale de l’expérience onirique chez le chien. Les jeunes chiens et les chiots, qui apprennent beaucoup et vivent de nombreuses nouvelles expériences, ont tendance à produire davantage de ces mouvements, signe que leur cerveau assimile et renforce les apprentissages du jour. L’INSERM et le CNRS, à travers plusieurs travaux publiés entre 2005 et 2020, ont confirmé que l’intensité des mouvements durant le sommeil paradoxal est liée au degré d’activité diurne et à la plasticité cérébrale du chien.
L’importance du sommeil pour la santé mentale canine
Un sommeil de qualité joue un rôle fondamental dans la préservation de la santé mentale chez le chien. Pendant le sommeil, particulièrement au cours du sommeil paradoxal, le cerveau trie, organise et consolide les souvenirs, tout en régulant les émotions vécues dans la journée. Un chien privé de repos ou souffrant d’insomnies peut développer de l’anxiété, perdre sa capacité d’apprentissage ou présenter des troubles du comportement tels que l’agressivité ou la dépression.
Des études récentes ont mis en lumière le lien entre sommeil fragmenté et apparition de comportements problématiques chez le chien. À l’inverse, un chien bien reposé montre une humeur plus stable, une plus grande capacité d’adaptation et une meilleure réactivité à l’éducation. Notons, en 2017, l’étude initiée par la vétérinaire Florence Gaunet (Université Aix-Marseille), qui a démontré une corrélation directe entre la durée du sommeil paradoxal et la résilience émotionnelle des chiens d’assistance.
Comment favoriser un bon sommeil chez le chien
Il est essentiel d’offrir à son animal un environnement propice au repos : un panier confortable, placé dans un endroit calme, à l’écart des bruits et des passages fréquents. Une routine stable, des sorties régulières, une alimentation équilibrée et des activités adaptées à l’âge et à la race du chien contribuent également à la qualité de son sommeil.
Respecter ses besoins de repos : ne pas réveiller inutilement un chien endormi.
Lui proposer un espace personnel, sécurisé et douillet.
Observer les signes de fatigue et respecter ses rythmes naturels, même s’ils diffèrent de ceux des humains.
Consulter un vétérinaire en cas de troubles persistants du sommeil (insomnie, apnée, cauchemars fréquents).
Sommeil et vieillissement : des besoins qui changent
Avec l’âge, les cycles de sommeil du chien évoluent. Les chiens plus âgés dorment souvent davantage, mais leur sommeil peut devenir plus léger et entrecoupé. Des troubles cognitifs liés à l’âge, semblables à la maladie d’Alzheimer humaine, peuvent apparaître et perturber la qualité du repos. Il est alors d’autant plus important d’adapter l’environnement et la routine du chien senior, pour préserver au mieux sa santé mentale et physique. Depuis 2015, les recherches menées par l’équipe du Dr Hélène Chauvet (Université de Toulouse) se sont penchées sur l’incidence des troubles du sommeil chez les chiens âgés, offrant de nouvelles pistes pour améliorer leur qualité de vie.
Conclusion
Le sommeil et les rêves jouent un rôle déterminant dans le bien-être global du chien, tant sur le plan physique que psychologique. Comprendre et respecter ces besoins fondamentaux, c’est garantir à son compagnon une vie équilibrée, riche en découvertes, en apprentissages et en sérénité. Observer un chien qui rêve, c’est plonger le temps d’un instant dans l’intimité de son monde intérieur, fait d’images, de souvenirs et d’émotions, un monde qu’il nous appartient de protéger, nuit après nuit, comme l’ont brillamment illustré les travaux français depuis plus d’un demi-siècle.
Filippo Naso – Éducateur Canin - Méthode Zen Éducation Positive
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