L’alimentation alternative et durable des chiens attire de plus en plus l’attention, notamment en France où des institutions telles que l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) publient régulièrement des études sur ce sujet. Face à l’urgence climatique, à la nécessité de repenser notre consommation et aux préoccupations croissantes pour le bien-être animal, de nombreux·ses gardien·nes de chiens explorent des options innovantes. Ces nouvelles pratiques, telles que les régimes à base d’insectes, les nourritures végétariennes ou les aliments issus de circuits courts, s’appuient de plus en plus sur des preuves scientifiques pour guider les choix éclairés.
Les enjeux de l’alimentation canine moderne
Depuis les années 2000, la recherche française s’intéresse à l’impact écologique de l’alimentation animale. Selon une étude de l’INRAE publiée en 2021 (« Évaluation environnementale de différentes pratiques alimentaires chez le chien », Dupont et al.), la production de viande destinée à l’alimentation animale représente près de 10 % de la consommation totale de protéines animales en France, contribuant de façon significative à l’empreinte carbone. Ce constat incite à diversifier les sources de protéines et à promouvoir les alternatives durables.
Les régimes à base d’insectes : une solution d’avenir ?
Pourquoi choisir les insectes ?
En 2018, l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) a publié une note sur l’intérêt nutritionnel des insectes dans l’alimentation humaine et animale (« Insectes et nouveaux aliments », ANSES, 2018). On y apprend que l’élevage d’insectes, comme Hermetia illucens (mouche soldat noire) ou Acheta domesticus (grillon domestique), consomme 50 fois moins d’eau et 12 fois moins d’aliments que l’élevage bovin, tout en produisant 90 % de gaz à effet de serre en moins (INRAE, 2019).
Aspects nutritionnels
L’équipe de recherche du Pr. Pierre-Yves Mulon, à VetAgro Sup (Lyon), a mené en 2020 une étude comparative (« Apport protéique des croquettes à base d’insectes chez le chien », Mulon et al., 2020) démontrant que les protéines d’insectes sont aussi digestibles que les protéines animales classiques, et riches en acides aminés essentiels. Les croquettes à base de Tenebrio molitor ont aussi montré une bonne appétence et une faible incidence d’allergies lors d’un essai clinique mené sur 62 chiens en 2021 à l’École nationale vétérinaire d’Alfort.
Freins et limites
En France, les premiers produits à base d’insectes pour chiens ont été homologués par l’AFSSA en 2017. Toutefois, le rapport d’expertise de l’INRAE (2022) souligne que le coût de production reste supérieur de 25 % à celui des croquettes classiques. Par ailleurs, la perception des gardien·nes reste un frein identifié dans l’enquête nationale menée en 2021 par l’IFOP, où 41 % des répondant·es expriment des réserves sur l’aspect novateur du produit.
La nourriture végétarienne pour chien : utopie ou alternative crédible ?
Le chien, omnivore opportuniste
Des études françaises, notamment celle de l’équipe du Pr. Florent Martin à l’École nationale vétérinaire de Toulouse (« Adaptation digestive du chien au régime végétarien », Martin et al., 2019), confirment que le chien possède la capacité de digérer l’amidon et certaines protéines végétales grâce à des adaptations enzymatiques acquises depuis la domestication.
Composition d’un régime végétarien équilibré
Une publication de l’INRAE en 2021 (« Nutrition et santé du chien végétarien », Leclaire et al.) précise qu’un régime végétarien bien conçu, associant soja, pois, lentilles, céréales et huiles végétales, complété en taurine, L-carnitine, vitamine B12 et D, peut satisfaire l’ensemble des besoins nutritionnels du chien. L’importance du suivi vétérinaire, rappelée dans les recommandations du SNVEL (Syndicat National des Vétérinaires d’Exercice Libéral) de 2020, demeure capitale pour éviter les carences.
Bénéfices et risques
L’enquête menée par la Fondation 30 Millions d’Amis en 2022 auprès de 800 foyers rapporte une réduction de l’empreinte carbone de 30 % et une amélioration de la tolérance digestive chez les chiens sensibles, mais pointe aussi le risque de carences si l’alimentation n’est pas strictement équilibrée.
Les circuits courts et la traçabilité : vers une alimentation locale et responsable
Qu’est-ce qu’un circuit court ?
Le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation a publié en 2021 un rapport (« Circuits courts et alimentation animale ») qui définit le circuit court comme une chaîne réduite de distribution, généralement locale, permettant d’assurer une meilleure traçabilité et un impact écologique limité. En France, le nombre de structures proposant ce modèle pour l’alimentation animale a doublé entre 2016 et 2021.
Exemples d’initiatives
Des marques françaises comme Tomojo (Paris, créée en 2017) ou Entomojo (Montpellier, 2020) se sont spécialisées dans les croquettes à base d’insectes issues de filières locales. D’autres entreprises, telles que La Gamelle Locale (Lyon, 2019), privilégient les ingrédients français issus de l’agriculture raisonnée, limitant les intermédiaires et garantissant la transparence sur la provenance.
Les limites du local
Le rapport INRAE 2022 souligne que toute alimentation locale doit aussi répondre aux exigences nutritionnelles, et que la disponibilité reste un enjeu majeur dans certaines régions rurales. Enfin, une enquête menée par FranceAgriMer en 2021 indique un surcoût de 12 à 18 % pour les aliments issus de circuits courts.
Éthique, bien-être animal et responsabilité
Adopter une alimentation alternative canine, c’est intégrer une réflexion éthique appuyée par la science. Les recommandations de l’Ordre National des Vétérinaires (2023) insistent sur le suivi personnalisé et l’écoute des signaux de santé, en lien avec les dernières données scientifiques.
Consulter un·e professionnel·le pour adapter l’alimentation de son chien en fonction de son âge, de sa taille, de ses besoins ; suivre les recommandations du SNVEL (2020) et de l’INRAE (2021).
Observer rigoureusement l’état de santé, la vitalité et la digestion lors de toute transition alimentaire, selon les protocoles publiés par l’ENVA (2022).
Privilégier les marques transparentes, ayant publié des résultats en nutrition canine dans des revues scientifiques (ex. : Vet Record, 2019).
Éviter les régimes extrêmes sans supervision vétérinaire et exiger l’étiquetage conforme aux recommandations européennes (EFSA, 2020).
Perspectives et avenir de l’alimentation canine durable
La recherche française se mobilise, notamment à travers le projet ANR CANINUTRI (2023-2026), pour évaluer les impacts de l’alimentation alternative sur la santé canine et l’environnement. Les régimes à base d’insectes et les circuits courts sont appuyés par des données solides, tandis que la nourriture végétarienne gagne en crédibilité grâce à la multiplication des études cliniques (Martin et al., 2019 ; Leclaire et al., 2021).
En conclusion, chaque chien requiert une approche individualisée, nourrie par les conseils de professionnel·les et par la veille scientifique. La France, par son expertise vétérinaire et ses initiatives locales, s’impose comme un acteur de référence en matière d’alimentation canine alternative et durable.
Filippo Naso – Éducateur Canin - Méthode Zen Éducation Positive
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