Qu’est-ce que le CNEP ?
Le CNEP, ou Conditionnement Négatif d’Expérience Précédente, est un concept couramment évoqué par les éducateurs canins modernes. Il fait écho aux travaux du Dr Joël Dehasse, vétérinaire comportementaliste français, qui, dès les années 1990, a décrit comment les chiens accumulent des expériences émotionnelles négatives pouvant aboutir à des troubles comportementaux (Dehasse, 1994). Des études françaises, comme celle menée par le Pr Patrick Pageat, vétérinaire et chercheur à l’IRSEA (Institut de Recherche en Sémiochimie et Ethologie Appliquée), ont montré que l’accumulation de stress peut profondément modifier la physiologie et le comportement du chien (Pageat, 2000).
Ce conditionnement peut s’installer rapidement, parfois dès la première expérience, ou au fil du temps si les situations désagréables se répètent. Il se manifeste par de la peur, de l’évitement, de l’agressivité, ou d’autres comportements indésirables. Comprendre le CNEP, c’est reconnaître que le vécu du chien influence profondément ses réactions futures, et qu’il est nécessaire d’agir sur l’environnement et sur la qualité des interactions pour restaurer la confiance.
Le vase émotionnel : une métaphore pour comprendre le trop-plein
La métaphore du « vase émotionnel » trouve un écho dans les recherches menées à l’ENVA (École Nationale Vétérinaire d’Alfort), où, sous la direction de la Dre Florence Gaunet, des études sur la gestion du stress chez le chien ont été publiées (Gaunet et Leavens, 2001). On y apprend que chaque événement stressant ou frustrant vient remplir le « vase émotionnel » de l’animal, jusqu’à son débordement.
Lorsque le vase émotionnel déborde, le chien manifeste alors des réactions disproportionnées, inattendues ou inadaptées à la situation réelle. Cela peut aller de la fuite soudaine à l’agressivité, en passant par des comportements compulsifs, des aboiements excessifs ou une perte de contrôle. Dans certains cas, ce trop-plein émotionnel extrême peut aussi entraîner des symptômes physiques impressionnants.
Peut-il y avoir des crises convulsives en cas de trop-plein émotionnel ?
Des observations cliniques rapportées par le Dr Thierry Bedossa, vétérinaire comportementaliste à Paris, ont montré que certains chiens exposés à un stress aigu ou à une accumulation émotionnelle excessive pouvaient présenter des manifestations proches de crises convulsives (Bedossa et coll., 2012). Ces épisodes, qui peuvent inclure des tremblements, une perte de conscience ou des mouvements incontrôlés, ne sont pas toujours assimilables à l’épilepsie véritable, mais relèvent d’un épuisement du système nerveux central face à une surcharge émotionnelle. Ces signaux doivent conduire à une évaluation vétérinaire approfondie, comme le recommandent les guidelines de l’Association Française des Vétérinaires pour Animaux de Compagnie (AFVAC, 2015).
Le chien n’est alors plus en mesure de gérer ses émotions ni d’apprendre efficacement, car son système émotionnel est saturé.
Lien entre CNEP et vase émotionnel trop plein
Le CNEP et le vase émotionnel sont deux notions complémentaires. Un chien ayant vécu plusieurs expériences négatives (CNEP) verra son vase émotionnel se remplir plus rapidement face à des situations similaires, car son seuil de tolérance émotionnelle est abaissé. Il suffit parfois d’une petite frustration ou d’un stress mineur pour que le vase déborde, et que les réactions du chien deviennent difficiles à anticiper ou à contrôler.
L’excès d’expériences négatives participe donc au remplissage prématuré du vase émotionnel. À l’inverse, permettre au chien de vivre des expériences positives, de disposer de temps de récupération, et de bénéficier d’une éducation respectueuse contribue à vider ce vase et à augmenter sa résilience émotionnelle (Pageat, 2000).
Traitements naturels et médicamenteux possibles
Traitements naturels
Gestion de l’environnement : Offrir un cadre de vie apaisant, instaurer des routines rassurantes, limiter les sources de stress et respecter les besoins de repos sont essentiels pour prévenir le débordement émotionnel.
Enrichissement et stimulation cognitive : Multiplication d’activités positives (jeux, promenades, exercices olfactifs) pour renforcer la confiance du chien et favoriser l’évacuation du stress.
Phytothérapie et compléments alimentaires : L’utilisation de plantes comme la valériane, la passiflore ou l’aubépine, ainsi que des compléments à base de tryptophane ou de magnésium, peuvent contribuer à la relaxation (études du Dr A. Guillot, 2013, et du Pr Pageat, 2004).
Phéromonothérapie : Les diffuseurs de phéromones d’apaisement (type ADAPTIL®) ont montré leur efficacité pour diminuer l’anxiété chez le chien (Pageat, 1999).
Fleurs de Bach : Certains praticiens recommandent aussi les élixirs floraux pour accompagner la gestion émotionnelle, même si les preuves scientifiques restent limitées.
Travail comportemental : L’éducation positive, les exercices de désensibilisation et de contre-conditionnement, sous la supervision d’un éducateur canin ou comportementaliste, sont primordiaux.
Traitements médicamenteux
Anxiolytiques et antidépresseurs : En cas d’anxiété sévère ou de manifestations convulsives, des traitements médicamenteux tels que les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (fluoxétine, sertraline) ou les molécules comme la clomipramine peuvent être prescrits par le vétérinaire (Pageat, 2000; AFVAC, 2015).
Antiépileptiques : Si des crises convulsives vraies sont identifiées, l’administration de médicaments antiépileptiques (phénobarbital, bromure de potassium, imepitoin) peut s’avérer nécessaire, toujours sous contrôle vétérinaire, en accord avec les recommandations de l’AFVAC et de l’ENVA.
Protocole personnalisé : Un suivi régulier avec le vétérinaire permettra d’adapter le traitement en fonction de la réponse de l’animal et de surveiller d’éventuels effets secondaires.
Comment prévenir et accompagner le trop-plein émotionnel ?
Comprendre les signaux : Apprendre à repérer les signes de stress ou de malaise chez le chien est essentiel pour intervenir avant que le vase ne déborde (Dehasse, 1994).
Offrir un environnement sécurisant : Laisser au chien des espaces de repli et des pauses permet d’éviter la surcharge émotionnelle.
Favoriser les expériences positives : Récompenser les comportements souhaités, proposer des activités ludiques et variées participe à équilibrer les émotions du chien (Pageat, 2000).
Éviter les punitions et les situations anxiogènes : Privilégier la patience et l’écoute plutôt que la punition, surtout face à des réactions de peur ou d’agitation.
Travailler avec des professionnel·le·s : En cas de difficultés persistantes, consulter un éducateur canin ou un comportementaliste permet d’adapter l’accompagnement aux besoins spécifiques du chien (Bedossa et coll., 2012).
En résumé, l’approche thérapeutique du CNEP et du vase émotionnel chez le chien associe des mesures naturelles, comportementales et, si besoin, médicamenteuses. L’objectif reste d’assurer une qualité de vie optimale au chien, de prévenir les crises émotionnelles et d’accompagner efficacement tout épisode convulsif ou comportemental sévère.
Filippo Naso – Éducateur Canin - Méthode Zen Éducation Positive
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