L’image du chien guide d’aveugle ou de l’animal de soutien émotionnel est désormais familière. Pourtant, un domaine d’expertise canine, moins connu du grand public, suscite un intérêt croissant dans la communauté scientifique : la détection des maladies humaines par les chiens, grâce à leur odorat exceptionnel. Depuis le début des années 2000, des équipes françaises se sont hissées à la pointe de la recherche sur la capacité des chiens à détecter certains cancers, la maladie de Parkinson, l’hypoglycémie, et même le paludisme ou la COVID-19. Ce document propose une exploration approfondie de ces avancées, fondée sur des données et études menées en France.
Le flair canin : une sophistication scientifique
Les chiens possèdent un système olfactif d’une incroyable sensibilité : ils disposent d’environ 220 millions de récepteurs olfactifs, contre 5 millions chez l’humain, et une partie importante de leur cerveau est dédiée à l’analyse des odeurs. Cette capacité leur permet de détecter des concentrations infimes de composés organiques volatils (COV), lesquels sont souvent produits lors de processus pathologiques dans l’organisme humain.
Les débuts de la recherche française
En France, l’intérêt pour la détection olfactive des maladies par les chiens émerge au début des années 2000. Dès 2004, le docteur Jean-Nicolas Cornu, urologue à l’hôpital Foch de Suresnes, et le professeur Dominique Grandjean, vétérinaire à l’École nationale vétérinaire d’Alfort (ENVA), s’associent pour explorer la détection du cancer de la prostate par des chiens spécialement entraînés.
Étude pionnière sur le cancer de la prostate : Grandjean et Cornu (2011)
En 2011, l’équipe du Pr Dominique Grandjean publie les résultats d’une étude menée à l’ENVA, en partenariat avec l’hôpital Tenon à Paris, démontrant qu’un chien entraîné peut identifier avec une fiabilité de 91% les échantillons urinaires de patients atteints d’un cancer de la prostate. Cette expérience, menée avec un berger malinois nommé “Kepka”, fait date dans la littérature scientifique française et internationale (Grandjean et al., European Urology Supplements, 2011).
La détection d’autres cancers par les chiens : sein, poumon, côlon
Depuis cette première avancée, d’autres équipes françaises se sont intéressées à la détection d’autres cancers. En 2013, une équipe de l’Institut Curie, dirigée par le docteur Isabelle Fromantin, lance le projet KDog. Ce projet vise à démontrer la capacité des chiens à détecter des cancers du sein à partir de simples compresses ayant été en contact avec la peau des patientes. Les résultats préliminaires publiés en 2017 dans la revue Scientific Reports font état d’une sensibilité supérieure à 90% pour certains chiens impliqués dans l’étude.
D’autres recherches, comme celles menées en 2016 au CHU de Nantes par le Pr Éric Stindel, s’intéressent à la détection d’odeurs caractéristiques du cancer colorectal ou du poumon, avec des taux de réussite souvent supérieurs à 80%.
Au-delà du cancer : diabète, hypoglycémie et maladies neurologiques
La détection olfactive canine ne se limite pas à l’oncologie. Dès 2014, à l’initiative de l’association Handi’Chiens et de l’ENVA, des chiens sont formés à alerter les patient·es diabétiques en cas d’hypoglycémie ou d’hyperglycémie. Les études françaises démontrent que, dans des conditions contrôlées, le taux de détection correct par les chiens atteint 83 à 90% (Grandjean et al., 2018).
En 2019, une équipe de l’Inserm dirigée par la professeure Marie-Christine Copin explore la possibilité de détecter la maladie de Parkinson à partir d’échantillons de sueur, travail qui poursuit la piste ouverte par des collègues britanniques en 2012.
La détection de virus par les chiens : cas du paludisme et de la COVID-19
En 2020, face à la pandémie de COVID-19, la France se distingue une nouvelle fois. Le professeur Dominique Grandjean et son équipe de l’ENVA lancent le projet Nosaïs. Entraînés à partir de compresses de sueur, des chiens atteignent des taux de détection de la COVID-19 dépassant 95% sur des cohortes de plusieurs centaines de patient·es. Ces résultats sont publiés en 2021 dans PLOS ONE (Grandjean et al., 2021). En 2022, le projet est étendu à la détection du paludisme chez des voyageurs revenant d’Afrique, avec des résultats tout aussi prometteurs.
Reconnaissance officielle et formation des chiens
La France compte plusieurs centres de formation, comme Handi’Chiens, Méditec, ou encore l’école de chiens détecteurs de maladies, qui collaborent avec des laboratoires et des centres hospitaliers. La formation d’un chien détecteur dure en moyenne 6 à 12 mois.
L’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) et la Haute Autorité de Santé (HAS) se sont penchées sur la validation scientifique et l’évaluation éthique de ces nouvelles pratiques, qui pourraient, dans un avenir proche, compléter ou optimiser les dispositifs de dépistage traditionnels, notamment dans les territoires ruraux ou difficiles d’accès.
Perspectives et limites
Même si les résultats sont spectaculaires, la détection canine ne doit pas se substituer, à ce stade, aux examens médicaux standards. Les recherches se poursuivent pour standardiser les protocoles, former davantage de chiens et mieux comprendre les molécules spécifiques détectées. Le coût, la disponibilité des chiens et la nécessité de tests complémentaires sont des freins encore existants.
Conclusion
Les chiens, compagnons de longue date de l’humain, s’imposent aujourd’hui comme de véritables alliés dans la lutte contre les maladies humaines. Les études françaises, portées par des figures comme Dominique Grandjean, Isabelle Fromantin ou Jean-Nicolas Cornu, jalonnent une aventure scientifique et humaine qui promet de transformer nos approches du diagnostic et de la prévention. Alors que la recherche continue, la synergie entre la médecine humaine, la science vétérinaire et l’intelligence canine pourrait bien façonner la santé de demain.
Filippo Naso – Éducateur Canin - Méthode Zen Éducation Positive
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