Les chiens se reconnaissent ils entre frères et sœurs ?
Le questionnement sur la capacité des chiens à reconnaître leurs frères et sœurs fascine autant les amoureux des animaux que les scientifiques. Chez les mammifères sociaux, la reconnaissance des membres de la fratrie peut avoir des implications adaptatives, notamment pour éviter la consanguinité ou favoriser la coopération. Chez le chien domestique (Canis lupus familiaris), les études internationales et françaises ont exploré cette question depuis plusieurs décennies, même si la recherche reste moins fournie que sur l’attachement à l’humain.
Dans la petite enfance, les chiots développent des relations étroites avec leur fratrie. Ils interagissent beaucoup, jouent, dorment ensemble et apprennent à communiquer par le biais de comportements sociaux variés tels que la morsure inhibée, l’exploration ou les vocalisations. Lorsqu’ils sont séparés très jeunes (vers 8-10 semaines, âge typique du sevrage), il arrive que certains chiens retrouvent un comportement particulier en présence de membres de leur portée, même après des mois ou des années passées séparés. Toutefois, la notion de « reconnaissance » est complexe : s’agit-il d’une véritable identification individuelle ou d’une familiarité sensorielle (odeur, voix, phéromones) ?
Des travaux comme ceux de Lord et al. (2013, États-Unis) démontrent que le chien utilise principalement l’odorat pour reconnaître ses congénères et, potentiellement, ceux de sa famille proche. En France, bien que la littérature scientifique soit moins abondante, on peut citer les recherches de l’équipe d’Émilie Rault et de l’École nationale vétérinaire d’Alfort, qui ont étudié les interactions sociales et la mémoire olfactive du chien. Leurs résultats suggèrent que les chiens pourraient conserver une forme de mémoire olfactive durable, mais qu’après de longues séparations, la reconnaissance individuelle parmi la fratrie n’est pas systématique.
Comment les chiens développent-ils des liens affectifs entre congénères ?
Les chiens sont des animaux sociaux, issus de l’évolution du loup gris, et dotés d’un répertoire comportemental riche pour tisser des liens avec leurs semblables. Dès la naissance, la proximité avec la mère et les frères et sœurs constitue le socle de leur socialisation. Les jeux, les codes de communication (position des oreilles, mouvements de la queue, postures corporelles, aboiements, grognements, etc.) et le contact physique favorisent la construction de liens de confiance et la hiérarchisation du groupe.
À l’âge adulte, le chien continue de développer des liens avec d’autres chiens, que ce soit dans le foyer ou dans le cadre de rencontres extérieures (parc canin, promenades collectives, clubs d’éducation). Les liens affectifs se traduisent par la recherche de proximité, l’imitation, la coopération dans le jeu ou la protection mutuelle. La sensibilité à l’état émotionnel du congénère, appelée contagion émotionnelle, a été démontrée par plusieurs études, dont celle de Siniscalchi et al. (2018, Italie), qui montre que les chiens réagissent aux vocalisations de détresse ou de joie de leurs pairs.
En France, l’équipe du CNRS d’Audrey Dorey (Université de Rennes) s’est intéressée à la communication intercanine et à la coopération entre chiens familiers et non familiers. Leurs résultats, publiés en 2020, confirment que les chiens sont capables de comportements altruistes et de synchronisation émotionnelle, surtout quand ils sont socialisés précocement.
Quelles données scientifiques ?
En France, la recherche sur les comportements sociaux du chien connaît un essor depuis les années 2000, principalement dans les laboratoires d’éthologie appliquée et d’écoles vétérinaires. Voici quelques repères :
Émilie Rault (École nationale vétérinaire d’Alfort, 2010-2015) : études sur la mémoire olfactive du chien et la reconnaissance des individus familiers. L’équipe a montré que l’odeur d’un congénère connu suscite une réponse émotionnelle et comportementale différente de celle provoquée par un inconnu.
Audrey Dorey (Université de Rennes, CNRS, 2020) : travaux sur la communication émotionnelle et la coopération entre chiens. L’étude a démontré que deux chiens vivant ensemble synchronisent leurs comportements lors de jeux ou de situations stressantes.
Isabelle Thomas (Université de Lyon, 2016) : recherches sur la socialisation des chiots et l’influence de l’environnement sur la formation des relations intercanines. Les chiots ayant accès à d’autres chiens dès les premières semaines développent plus facilement des liens stables et harmonieux avec leurs pairs à l’âge adulte.
Limites et perspectives de la recherche
Malgré ces avancées, il reste difficile d’affirmer que les chiens reconnaissent spécifiquement leurs frères et sœurs après une longue séparation. La majorité des études s’accordent pour dire que l’empreinte sensorielle (notamment olfactive) joue un rôle central, mais que la mémoire individuelle s’efface progressivement si les contacts sont rompus pendant de longues périodes. La notion de « fraternité » chez le chien n’a pas la même portée que chez l’humain : la reconnaissance d’un « frère » ou d’une « sœur » ne semble pas conditionner la qualité du lien, qui dépend plutôt de la socialisation, des expériences partagées et des personnalités canines.
Conclusion
Pour résumer, les chiens montrent des capacités à reconnaître des congénères familiers, en particulier par l’odeur, mais il n’existe pas d’évidence scientifique claire attestant d’une reconnaissance durable entre frères et sœurs issus de la même portée, surtout après une longue séparation. Les liens affectifs entre chiens se construisent surtout par la socialisation, l’apprentissage mutuel, le jeu et la cohabitation. Les travaux français, notamment ceux d’Émilie Rault, Audrey Dorey et Isabelle Thomas, ont contribué à mieux comprendre la complexité de la relation intercanine, mais la recherche continue d’éclairer les mystères de leurs relations familiales et sociales.
Filippo Naso – Éducateur Canin - Méthode Zen Éducation Positive
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