Depuis des millénaires, le chien accompagne l’humain, partageant son quotidien, ses joies et ses peines, traversant avec lui les mutations profondes de la société. Pourtant, à l’ère moderne, celui que l’on considère si souvent comme le “meilleur ami” semble plus que jamais une énigme vivante, reflet de nos incompréhensions et de nos contradictions. Cette incompréhension croissante engendre de multiples enjeux comportementaux, étudiés aujourd’hui par la recherche scientifique française et documentés dans de nombreux ouvrages spécialisés.
Une relation historique bouleversée
Le lien entre humain et chien remonte à la nuit des temps. Jadis, le chien était un compagnon de chasse, un gardien de troupeau, un protecteur. Sa place était claire, ses besoins reconnus. Mais la sédentarisation, l’urbanisation et la transformation de notre mode de vie ont modifié la fonction du chien : aujourd’hui, il est souvent perçu comme un membre à part entière de la famille, à qui l’on demande de s’adapter à un environnement et à des codes sociaux humains.
Les travaux de la vétérinaire comportementaliste française Joël Dehasse (Tout sur la psychologie du chien, 2016) rappellent que l’insuffisance de connaissance sur les besoins fondamentaux du chien est source de nombreux troubles comportementaux.
Les incompréhensions majeures : origines et conséquences
Le langage canin : un code méconnu
Selon l’étude menée par le Pr. Florence Gaunet (Université Aix-Marseille, 2017), "la mauvaise lecture des signaux corporels canins par les propriétaires conduit souvent à des réactions inadaptées". Les chiens utilisent des signaux apaisants (détournement du regard, bâillement, posture basse) qui sont mal perçus, faussant la communication homme-chien et menant à des incompréhensions sources de stress ou d’agressivité.
Cette méconnaissance des codes canins mène à des réactions inadaptées : punitions injustifiées, incompréhension face à des peurs, renforcement involontaire de comportements indésirables.
L’anthropomorphisme et ses dérives
Dans son ouvrage La fabrique du chien (2019), le sociologue Boris Cyrulnik insiste sur les dérives de l’anthropomorphisme et le danger d’imposer à l’animal des attentes humaines : "L’empathie mal placée nuit à l’équilibre éthologique du chien." Les recherches de l’INRA (Institut National de la Recherche Agronomique, 2020) soulignent que les comportements inadaptés, tels que la malpropreté ou la destruction, sont souvent liés à l’incompréhension des besoins instinctifs (exploration, mastication, interactions sociales, etc.).
Des environnements inadaptés
Le rapport “Bien-être animal et société” (Ministère de l’Agriculture, 2018) indique que plus de 60 % des chiens de ville présentent au moins un signe de stress chronique. Les études de l’éthologue française Marine Grandgeorge (2014) mettent en évidence l’importance cruciale de l’enrichissement environnemental et de la socialisation précoce pour prévenir le développement de stéréotypies ou d’anxiété de séparation.
Les principaux troubles comportementaux liés à l’incompréhension
L’anxiété de séparation : Étude INRA 2019 : environ 23 % des chiens consultés en clinique comportementale présentent ce trouble, souvent lié à un manque d’adaptation aux absences humaines.
L’agressivité : Selon Gaunet (2017), plus de 40 % des agressions canines sont liées à une mauvaise interprétation des signaux d’alerte par les humains.
Malpropreté : Rapport Dehasse (2016) : dans 80 % des cas, elle est associée à un stress environnemental ou relationnel.
Stéréotypies : Grandgeorge (2014) estime que 10 à 15 % des chiens urbains manifestent des comportements répétitifs liés à l’ennui.
Destruction : ministère de l’Agriculture (2018) : la destruction concerne surtout les jeunes chiens laissés seuls trop longtemps.
Les enjeux de la compréhension mutuelle
Vers une éducation bienveillante et adaptée :
Reconnaître que le chien possède ses propres codes sociaux et ses besoins fondamentaux est la clé d’une cohabitation harmonieuse. Éduquer un chien, ce n’est pas l’asservir ; c’est lui apprendre à évoluer dans notre monde humain tout en respectant sa nature.
L’importance de la socialisation
Grandgeorge (2014) et Dehasse (2016) insistent sur l’importance d’une socialisation contrôlée dès le plus jeune âge pour prévenir les troubles comportementaux. Des ateliers d’éducation canine adaptés, avec encadrement de professionnelles et professionnels qualifiés, optimisent l’intégration sociale et le bien-être du chien.
Le rôle de l’expertise
Face à un trouble comportemental, il est essentiel de consulter des spécialistes reconnus, tels que les vétérinaires comportementalistes formé·e·s en France. Le Pr. Thierry Bedossa (2015) souligne l’importance d’un diagnostic différentiel (exclure la douleur médicale, comprendre les interactions sociales, etc.) pour proposer une thérapie respectueuse du bien-être animal.
Quelques ouvrages français de référence
Tout sur la psychologie du chien, Joël Dehasse, 2016
La fabrique du chien, Boris Cyrulnik, 2019
Comportement et éducation du chien, Thierry Bedossa, 2015
Le comportement du chien, Michel Chanton, 2011
Le chien, un loup civilisé, Michel Chanton, 2018
Redécouvrir le chien pour mieux vivre ensemble
L’incompréhension du chien par l’humain est un enjeu majeur de notre époque. Elle interroge notre capacité à nous remettre en question, à observer, à apprendre le langage de l’autre. Redécouvrir le chien, c’est aussi accepter de sortir de nos schémas humains, de nos attentes, pour aller à la rencontre d’une altérité fascinante. C’est reconnaître la richesse de la relation interspécifique, source d’émotions, d’apprentissages et de respect mutuel.
En s’appuyant sur les travaux scientifiques récents et une littérature spécialisée de qualité, l’humain s’offre une chance unique d’approfondir la compréhension du chien : sa fidélité, son intelligence et sa sensibilité ne demandent qu’à être reconnues à leur juste valeur. Ainsi, loin d’être une énigme, le chien redevient ce qu’il a toujours été : un partenaire de vie, à la fois différent et indispensable.
Conclusion
Au terme de cette exploration, il apparaît que la clé d'une cohabitation harmonieuse et respectueuse avec le chien réside dans la volonté humaine d'apprendre, de s'informer et d'observer véritablement l'animal. Les connaissances scientifiques françaises, conjuguées à une littérature abondante, offrent des outils précieux pour dépasser les incompréhensions et prévenir les difficultés comportementales. En considérant le chien pour ce qu’il est, dans toute sa complexité et sa richesse, il devient possible de restaurer une relation équilibrée, empreinte de respect, de compréhension et d’affection mutuelle. Ce regard renouvelé constitue le fondement d’une alliance durable entre humains et chiens, au bénéfice des deux espèces.
Filippo Naso – Éducateur Canin - Méthode Zen Éducation Positive
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