La conservation de la biodiversité s’impose aujourd’hui comme un enjeu planétaire, alors que la faune et la flore connaissent un déclin rapide sous l’effet des activités humaines. Si de nombreux outils technologiques sont mobilisés pour répondre à ces défis, l’une des approches les plus innovantes et efficaces est l’utilisation des chiens de détection. Grâce à leur odorat exceptionnel et leur capacité d’adaptation, les chiens se révèlent être des alliés précieux pour la surveillance, la recherche et la protection de la biodiversité. En France, plusieurs laboratoires et organismes de recherche ont intégré ces partenaires canins dans leurs protocoles, avec des résultats scientifiques reconnus et des initiatives marquantes depuis les années 2000.
Le chien possède jusqu’à 300 millions de récepteurs olfactifs (contre environ 5 millions chez l’humain), ce qui lui permet de détecter la présence d’espèces, d’individus ou de substances à des concentrations extrêmement faibles (Helton, 2009). Cette aptitude a été mise à profit dans la détection d’espèces rares, invasives ou menacées, mais aussi dans le suivi d’espèces discrètes ou cryptiques, difficiles à observer directement.
Des applications multiples
Détection d’espèces animales : Les chiens sont capables de localiser des excréments, des restes de poils, des œufs, des individus vivants ou morts, permettant ainsi d’estimer la présence et la distribution d’une population. En France, le Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN) utilise depuis 2013 des chiens pour la détection du vison d’Europe (Mustela lutreola), une espèce en danger critique, dans le sud-ouest du pays (Lescureux et al., 2014).
Lutte contre les espèces invasives : Les chiens sont employés pour repérer des espèces invasives telles que le frelon asiatique (Vespa velutina), dont la présence est nocive pour la biodiversité locale. En 2019, l’INRAE de Bordeaux a mis en place un programme de détection précoce des nids de frelons asiatiques grâce à des chiens dressés (Moreau et al., 2020).
Recherche de plantes rares ou protégées : Moins connus pour ce rôle, certains chiens ont aussi été éduqués pour signaler la présence de plantes menacées ou protégées, comme l’orchidée Ophrys sphegodes dans la Drôme (Projet initié par la LPO en 2022, piloté par Éric Arthur).
Surveillance du braconnage : Des brigades cynophiles sont intégrées dans des réserves naturelles, comme dans la Camargue depuis 2016, pour repérer les indices de braconnage d’espèces protégées (Flamant rose, Phoenicopterus roseus), selon un rapport du Parc naturel régional de Camargue.
Malgré ces succès, l’emploi des chiens ne va pas sans contraintes. La formation d’un chien de détection requiert du temps, de la patience et un budget conséquent (environ 10 000 à 15 000 € par chien sur trois ans, selon l’étude de LPO 2022). De plus, la présence du chien peut parfois perturber la faune locale, et il est nécessaire de limiter son impact par un encadrement professionnel. Enfin, la reconnaissance légale et institutionnelle des chiens de conservation demeure en cours de structuration en France.
En 2021, le Groupe d’étude sur les chiens de conservation (GECCO), basé à Montpellier, a proposé la création d’un certificat national pour les équipes cynocécologiques, afin d’encadrer leur formation et leur intervention. Par ailleurs, l’arrivée des nouvelles technologies, comme les colliers GPS ou les dispositifs de bio-logging, ouvre des perspectives de suivi encore plus précises et interactives, combinant le flair du chien et les outils numériques pour une conservation renforcée.
L’intégration des chiens dans la conservation de la biodiversité, notamment en France, démontre un impact réel et mesurable sur le terrain : amélioration du suivi d’espèces menacées, lutte efficace contre les invasives, surveillance accrue du braconnage et détection de plantes rares. Grâce à des initiatives portées par le MNHN, l’INRAE, l’OFB, la LPO et plusieurs laboratoires universitaires, la recherche française continue d’innover dans ce domaine. Les nouvelles générations de chiens de conservation, encadrées par la science et la réglementation, s’affirment comme des partenaires incontournables pour la préservation de notre patrimoine naturel.
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